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Info INSU: Pourquoi trouve-t-on des roches très poreuses à plus de 3,5 km de profondeur ?

Pourquoi des réservoirs d’hydrocarbures sont-ils présents à de grandes profondeurs alors que les lois d’enfouissement prédisent une réduction drastique de la porosité ? C’est la question à laquelle des chercheurs de Géosciences Paris Sud (GEOPS, CNRS / Université PARIS-SUD) et de la société ENGIE ont répondu, au moins en partie, en réalisant une étude pétrographique et minéralogique de roches prélevées au large de la côte nord-ouest de l’Australie lors de compagnes de forages profonds. Ils ont également ainsi montré que les formations sableuses déposées dans des estuaires, et maintenant très enfouies, sont des cibles de choix pour la prospection pétrolière.
@INSU-CNRS

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Notre consommation importante d’hydrocarbures pousse l’exploration pétrolière à les rechercher dans des roches très poreuses situées de plus en plus loin dans les profondeurs du sous-sol, alors même que la probabilité d’y parvenir semble très faible dans la mesure où les lois d’enfouissement prédisent une diminution drastique de la porosité avec la profondeur (jusqu’à une porosité inférieure à 5 %). Pourtant, des découvertes récentes montrent que des réserves d’hydrocarbures sont exceptionnellement présentes à plus de 3,5 km de profondeur, dans des roches réservoirs très poreuses (> 20 %) et perméables (> 100 mD).

Afin d’améliorer notre capacité à prédire la localisation d’une zone poreuse et ainsi d’augmenter le taux de succès des forages en orientant l’exploration vers les zones à forts potentiels, il convient d’améliorer la compréhension des processus à l’origine des bonnes qualités (fortes porosité et perméabilité) de certains réservoirs très profonds.

Pour aller dans ce sens, des chercheurs du GEOPS et de ENGIE ont réalisé une étude pétrographique et minéralogique (visuellement et à l’aide d’un microscope et d’un diffractomètre de rayons X) de roches gréseuses récoltées à plus de 3,5 km de profondeur au cours de plusieurs campagnes d’exploration dont la dernière a été réalisée en 2010 par ENGIE. Ces forages ont été effectués au large de la côte nord-ouest de l’Australie, à environ 250 km à l’ouest de la ville de Darwin, dans une zone du plateau continental où la hauteur d’eau n’excède pas 100 m.

Les chercheurs ont obtenu les résultats suivants.

Déposée au Permien (il y a environ 270 Ma), la formation sédimentaire étudiée est localement très poreuse (> 20 %). Les grès qu’elle contient sont composés de grains de quartz et de feldspaths de la taille des grains de sable (63 microns à 2 mm). La présence de figures sédimentaires assimilables à des dunes sableuses, de rides façonnées par les courants de marée ou encore d’échinodermes et de traces laissées par des vers et des crustacés indique que ce sédiment a été déposé dans un immense estuaire. Des barres sableuses d’environ 2 à 5 mètres d’épaisseur, de plusieurs dizaines de mètres de largeur et de plusieurs centaines de mètres de longueur sont présentes, probablement similaires à celles observées actuellement dans l’estuaire de la Gironde.

À l’échelle microscopique, de petits amas de minéraux argileux (taille de quelques microns) ont été identifiés autour des grains de quartz situés au sommet de ces grandes barres sableuses. Ces minéraux argileux se sont positionnés ainsi au moment du dépôt des sables puis ont été transformés en chlorite ferreuse au cours de la diagenèse d’enfouissement, probablement sous un enfouissement de 100 à 500 m. Cette chlorite ferreuse a alors formé un tapissage très fin (environ 10 ?m), recouvrant la totalité de la surface des grains de quartz. Aucune surcroissance de quartz obturant la porosité n’étant observée en présence de ces tapissages d’argile, il semble que ceux-ci inhibent le développement de telles surcroissances lors de la diagenèse. Au contraire, de larges surcroissances de quartz comblent totalement la porosité quand les tapissages sont absents. Ces surcroissances se sont développées lors de la diagenèse d’enfouissement, bien après le dépôt, lorsque l’enfouissement était supérieur à 1,5 km.

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A – Reconstruction de l’estuaire permien (il y a 270 Ma), localisé alors à 200 km au large de l’Australie. B – Observation au microscope électronique à balayage des agrégats de précurseurs argileux et des tapissages de chlorite ferreuse.

Source :

Saïag, J., Brigaud, B., Portier, E., Desaubliaux, G., Bucherie, A., Miska, S., Pagel, M., 2016. Sedimentological control on the diagenesis and reservoir quality of tidal sandstones of the Upper Cape Hay Formation (Permian, Bonaparte Basin, Australia). Marine and Petroleum Geology. 77, 597-624

Voir en ligne : site web INSU