Ma Thèse

 

Influence du contexte sédimentaire et de la diagenèse sur les propriétés pétrophysiques du Dogger calcaire de l’Est du Bassin de Paris

Thèse téléchargeable sur tel.archives-ouvertes.fr: PDF

Thèse soutenue le 7 décembre 2009 à l’Université de Bourgogne

Directeurs de thèse : C. Durlet et J.-F. Deconninck

Mots clefs: Sédimentologie, Diagenèse, Géochimie minérale, Pétrophysique, Ondes acoustiques, Carbonate

A l’Est du Bassin de Paris, les carbonates du Dogger présentent habituellement de faibles porosités et perméabilités, en relation notamment avec une intense cimentation sparitique et d’importants phénomènes de pression-solution (stylolitisation). Il existe néanmoins quelques exceptions à cette tendance : des niveaux réservoirs sont recensés au toit de séquences de dépôt réputées émersives. Pour comprendre ces exceptions, ce travail basé sur une étude sédimentologique, diagénétique, géochimique et pétrophysique, se propose d’examiner les influences de la diagenèse précoce puis de la diagenèse tardive sur les propriétés réservoirs dans ces carbonates.

Sédimentologie et architecture stratigraphique

L’analyse sédimentologique d’un grand nombre de coupes et de 4 forages carottés répartis sur un profil Langres-Nancy, révèle 18 faciès attribuables à 5 environnements de dépôts caractéristiques d’un profil de rampe carbonatée. L’interprétation géométrique et séquentielle met en évidence dix séquences de dépôt de 3ème ordre, pouvant être regroupées en 4 intervalles biosédimentaires. Ces 4 intervalles sont marqués par des producteurs carbonatés et par des morphologies de rampe différents. Les δ18O et δ13C des fragments biogènes et l’évolution des cortèges argileux suggèrent que des changements environnementaux tels que la température, l’humidité et la pCO2 ont, en partie, contrôlé l’existence de ces intervalles bio-sédimentaires.
Les descriptions pétrographiques, géométriques et géochimiques des surfaces sommitales des séquences de dépôt montrent que 4 d’entre elles (SB5, SB6, SB7 et SB8) sont émersives, conséquence de chutes eustatiques identifiables dans l’ensemble du Bassin de Paris, uniquement durant le Bathonien. Les variations des paléotempératures dans le domaine NW téthysien au cours du Dogger montrent que ces chutes eustatiques sont cohérentes avec un possible contrôle glacio-eustatique pendant un intervalle sensiblement plus froid.

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Architecture stratigraphique des formations sédimentaires du Jurassique moyen de l’Est du Bassin de Paris (Brigaud et al., 2009, Sedimentary Geology)

Diagenèse et géochimie minérale

Les analyses géochimiques sur les ciments précoces de certaines limites de séquences émersives mettent en évidence une intrusion de fluides météoriques consécutive à des chutes eustatiques. Lors de ces émersions, les eaux météoriques ont été à l’origine d’une lithification et d’une stabilisation minéralogique précoce du sédiment carbonaté sur une dizaine de mètres maximum. Sous ces séquences émersives, ces ciments ont probablement rigidifié précocement le contact entre les grains et ont ainsi contribué à limiter la compaction mécanique et la stylolitisation lors de l’enfouissement. De plus, le lessivage par des eaux météoriques sous-saturées en CaCO3 d’un sédiment carbonaté marin en minéralogie instable (aragonaite et/ou HMC High Magnesium Calcite) sont souvent responsables de la disparition (ou de la diminution) de ces phases instables au profit de la LMC (Low Magnesium Calcite, phase stable). Ces phénomènes de transformations minéralogiques précoces lors des émersions bathoniennes ont probablement favorisé la préservation de la porosité dans ces niveaux durant l’enfouissement.
Huit phases minérales mésogénétiques comprenant 3 générations de calcite, de la pyrite, de la silice, 2 générations de dolomite et de la fluorine se sont succédées depuis le Jurassique moyen. En moyenne 70 % du volume de ces ciments sont formés par 2 zones successives de sparites de blocage (Bc1 et Bc2). Les analyses géochimiques réalisées sur les ciments de blocages formés lors de la diagenèse d’enfouissement montrent qu’ils ont probablement précipité à partir d’eaux météoriques ayant circulé pendant le Crétacé inférieur, période marquée par d’intenses mouvements géodynamiques sur les bordures du Bassin de Paris. Ces recharges en eaux météoriques durant le Crétacé semblent être à l’origine du développement extensif des sparites de blocage dans l’Est du Bassin de Paris.

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Chronologie relative des évènements diagénétiques dans les calcaires du Dogger du Bassin de Paris (Brigaud et al., 2009, Sedimentary Geology).

 

Pétrophysique

Les analyses pétrophysiques ont confirmé les faibles porosités et perméabilités générales de l’Est du Bassin de Paris (φ<5% and k<0.5mD). Toutefois, ces analyses pétrophysiques ont mis en exergue la présence de deux niveaux poreux (Niveau Poreux 1 et Niveau Poreux 2) situés dans la partie supérieure du Dogger calcaire. D’une dizaine de mètres d’épaisseur, ces niveaux poreux ont une porosité dépassant 15%. Leur perméabilité est variable, elle est élevée (k=100-700mD) lorsque les niveaux sont macroporeux et correspondent à des grainstones de shoals oolitiques, elle est faible (k=0,1-1mD) lorsque les faciès sont boueux (dépôts de lagon protégé) et dominés par de la microporosité inter-cristalline.
L’analyse des propriétés acoustiques, i.e. vitesse des ondes P (Vp), et pétrographiques (texture, faciès, et diagenèse) a permis d’identifier les paramètres contrôlant les vitesses acoustiques dans cette série carbonatée. Les niveaux poreux 1 et 2 identifiés dans le Dogger présentent une signature acoustique différente. Les Vp dans les mudstones/wackestones microporeux (Np2) de lagon sont plus rapides que celles des grainstones macroporeux (Np1). Les équations standard utilisées pour prédire les porosités à partir des Vp (équations de Wyllie et de Raymer) se superposent avec les régressions linéaires entre porosité (φ) et Vp des échantillons mudstones ou provenant d’environnements de lagon. Toutefois, une variabilité importante des Vp pour une porosité donnée dans les grainstones est détectée. La présence de ciment précoce dans les échantillons semble contrôler une grande partie de cette variabilité. Les observations pétrographiques suggèrent que les cimentations précoces diminue la vitesse de propagation des ondes P dans les faciès grainstones.

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Relation Vitesse acoustique (Vp) – Porosité dans les carbonates du Dogger du Bassin de Paris (Brigaud et al., 2010, Journal of Sedimentary Research).

Origine des niveaux réservoirs

L’architecture stratigraphique issue de l’étude sédimentologique permet de supposer que celle-ci a joué un rôle sur le positionnement des niveaux poreux au sommet du Dogger. En effet, le modèle stratigraphique montre la présence d’un écran imperméable marneux positionné latéralement aux calcaires du sommet du Dogger. Cet écran marneux a pu perturber ou empêcher les recharges en eaux météoriques, pouvant expliquer le sous-développement des ciments de blocage dans ces niveaux poreux du sommet du Dogger.
L’étude intégrée sédimentologique et diagénétique montre que l’existence des niveaux poreux réservoirs (NP1 et NP2) semble tributaire d’une histoire sédimento-diagénétique particulière qui peut être résumée en 3 actes :
(1) lithification et stabilisation minéralogique précoce sous des surfaces d’émersion (SB7 et SB8), rendant le sédiment résistant aux phénomènes de compaction et pression-solution ;
(2) faibles recharges météoriques au Crétacé en raison de l’écran latéral formé par les Marnes à Rhynchonelles (Bathonien), empêchant le développement de ciments de blocage dans le sommet du Dogger
(3) faibles recharges hydrothermales et cimentations associées durant l’Oligocène.
Ces 3 facteurs ne se sont conjugués qu’au niveau de NP1 et de NP2 (niveaux réservoirs), sur une épaisseur cumulée de moins de 20 m, à comparer aux 210 m totalement compactés et/ou cimentés formant le reste du Dogger (niveaux non-réservoirs).

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Paleo-circulations au Crétacé inférieur, responsable d’une minéralisation calcitique de grande ampleur dans les calcaires jurassiques.