Machines à calculer mécaniques
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JUTTEN Christian
Professeur émérite Université Grenoble Alpes, Institut Universitaire de France, GIPSA-lab – Grenoble
Depuis très longtemps, les hommes ont utilisé des moyens matériels pour calculer : jetons, cailloux, tables, etc. D’ailleurs, il est amusant de remarquer que le mot calcul vient du latin calculus qui signifie jeton, cailloux ; et un calcul désigne aussi un petit caillou qui se loge dans les reins ou la vessie.
Des machines mécaniques très anciennes ont été retrouvées en Grèce, mais il est peu probable que des machines à calculer mécaniques aient été construites à cette époque. En effet, la conception de machines à calculer mécaniques nécessite la mise en place d’un système d’écriture des chiffres et des opérations et l’utilisation courante du zéro, qui n’existaient pas à l’époque.
Les bouliers ont été inventés en Chine au XII siècle et ont été utilisés de façon intensive dans toute l’Asie, jusqu’à l’apparition des machines électroniques et des ordinateurs. Ils sont encore utilisés de nos jours en Chine, au Japon et en Russie. Dans les pays d’Asie, jusqu’à l’Iran, on est passé directement du boulier aux machines électroniques et aux ordinateurs, sans utiliser des machines à calculer mécaniques.
Sur cette page, vous trouverez différentes vidéos et des fiches simplifiées qui décrivent et expliquent le fonctionnement de ces machines à calculer mécaniques :
- La règle à calcul
- La Pascaline et ses descendantes
- Les additionneuses et machines à crosses
- Les machines à multiplier
- Les additionneuses de type Comptometer et Calculator
- Les additionneuses à demi-clavier
- Multiplieuses directes et machines spéciales
- Les planimètres
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*************** La règle à calcul ***************
Après l’invention du logarithme par l’écossais Napier (1614), la première règle à calculer à coulisse a été proposée par Partridge vers 1671. Ces instruments très simples ont été commercialisés jusque dans les années 70, à l’apparition des premières calculatrices électroniques. Si la règle à calcul qui fournit des résultats approchés n’avait pas d’intérêt pour les transactions commerciales et la comptabilité, c’était un instrument très bien adapté aux physiciens et aux ingénieurs. En France, c’étaient d’ailleurs les seuls instruments de calcul autorisés pour le BAC et les concours d’entrée aux grandes écoles jusqu’en 1986.
*************** La Pascaline et ses descendantes ***************
Léonard de Vinci aurait esquissé les plans d’une machine à calculer mécanique. Mais la première machine dont il reste quelques prototypes et une large documentation est la machine de Pascal, dite Pascaline, conçue par Pascal en 1642. La machine a suscité de nombreuses copies et des améliorations. Certaines machines de ce type, simples et bon marché, ont connu un grand succès commercial au début du XXème siècle, sous le nom de Calculator, Lightning Calculator, ou Lightning Adding Machine.
*************** Additionneuses et machines à crosses ***************
Certainement inspirées par les bouliers, les premières additionneuses rectilignes imaginées par Perrault (1660), puis perfectionnées par Caze (1720), Kummer (1847) ont abouti à des petites machines très simples et peu coûteuses qui ont été commercialisées jusque dans les années 1960. Ce sont les machines à crosses, popularisées sous les noms d’Addimax, d’Addiator.
*************** Les machines à multiplier ***************
Ces deux types de machines (présentées ci-dessus) permettent de faire facilement des additions et des soustractions. En revanche, les multiplications, par additions successives et décalages, sont fastidieuses. Deux dispositifs mécaniques ont été inventés pour permettre de réaliser des additions ou des soustractions en un seul tour de manivelle. Le premier dispositif est le cylindre à cannelures de Leibnitz (1673), le second est la roue à nombre variable de dents due à Poleni (1709). Plusieurs prototypes de machines ont été réalisés selon ces deux mécanismes, avec des améliorations, et en particulier la miniaturisation. Mais, ces machines étaient très chères. Il faut attendre le développement industriel dans la seconde moitié du XIXème siècle pour que des machines soient industrialisées, que leur prix baissent et qu’elles puissent être largement commercialisées en Europe et aux Etats-Unis. Les machines Monroe et Curta sont des exemples de machines basées sur le cylindre de Leibnitz qui ont été des succès commerciaux jusque dans les années 1960-70. Les machines Odhner, Dactyle, Brunswiga, Thales, Facit sont des machines utilisant des roues à nombre variable de dents qui ont été aussi très largement diffusées.
******** Les additionneuses de type Comptometer et Calculator ********
Les machines utilisant la roue à nombre de dents variable (type Odhner) ou le cylindre de Leibnitz ont un charriot mobile ce qui ralentit les multiplications et divisions. D’autres idées ont été explorées et abouti à des brevets. L’Arithmometer de Hill (breveté en 1857) repose sur une mécanique complètement différente : il utilise un levier cranté dont la déviation angulaire est proportionnelle à la valeur de la touche. La mécanique demande d’être très précise et il faudra attendre plusieurs améliorations avant d’aboutir au Comptometer de Felt & Tarrant, breveté en 1887 : cette machine repose sur le principe de l’additionneuse à levier de Hill, mais avec un clavier complet et un système de report de retenue très efficace. Cette machine a été un très grand succès commercial jusqu’en 1920, avant la naissance de machines concurrentes comme la Calculator de Burroughs fabriquée à partir de 1920. En 1920, lors d’un concours de machines à calculer organisé à Paris par la Société de Développement Industriel, 7 épreuves sur 10 avaient été remportées par un Comptometer.
*************** Les additionneuses à demi-clavier ***************
Les machines additionneuses à clavier complet, comme le Comptometer et la Calculator, étaient grosses, complexes et coûteuses. Plusieurs constructeurs ont proposé des machines mécaniquement plus simples et moins chères, avec un demi-clavier : qui ne comprend que les touches de 1 à 5. Pour additionner 7, il faut taper 5 et 2, ou 4 et 3. Mais ceci peut se faire d’une seule main et très rapidement. Ces machines ont été fabriquées surtout à l’usage des ménages, entre les années 1940 et le début des années 1970, en particulier par deux constructeurs européens : la société anglaise Bell Punch Company et la société suédoise Contex.
*************** Multiplieuses directes et machines spéciales ***************
Plus tard, à la fin du XIX siècle, des machines réalisant directement les multiplications, sans faire des additions successives, ont été imaginées, par exemple par Bollée (1889) en France. Toutes ces machines pouvaient suffire pour la comptabilité et la gestion, mais se révélaient bien insuffisantes pour le calcul scientifique. Aussi, des machines permettant la programmation, la résolution d’équations ou réalisant des calculs complexes ont été imaginées. Par exemple, pour l’analyse et la représentation avec des coefficients de Fourier de signaux, Michelson (1898) a conçu un analyseur harmonique mécanique. Plus tard vers 1907, pour l’étude de la parole, Koenig a construit un spectromètre à flammes.
*************************** Les planimètres *****************************
Les planimètres ne sont pas des machines à calculer arithmétiques. Ce sont des instruments destinés à mesurer des aires sur une surface plane. Largement utilisés par les arpenteurs, les géomètres, les architectes et les ingénieurs jusque dans les années 1970, ces instruments permettent de mesurer sur une carte ou un plan la surface réelle d’un l’objet, en multipliant la valeur lue sur le planimètre par le facteur d’échelle de la carte ou du plan.
Ère des calculatrices électroniques et ordinateurs
Les premières calculatrices électroniques sont apparues au début des années 70, et ont vite remplacé les calculatrices mécaniques ou électromécaniques. Puis, avec l’apparition et la banalisation de circuits intégrés, la conception des microprocesseurs et des ordinateurs, ces machines ont disparu et sont devenues des objets de collection. Pour autant, outre l’intérêt historique, la mécanisation d’opérations requiert une compréhension parfaite des étapes de calcul, et la présentation de ces machines présente un intérêt pédagogique certain : c’est le cas de la façon de réaliser la retenue sur une machine à crosses, la mise en œuvre de multiplications/divisions par additions/soustractions successives et décalages, ou des astuces pour un calcul plus rapide des multiplications en utilisant la distributivité.
Quelques références
Jean Marguin, Histoire des instruments et machines à calculer. Hermann, 1994.
L’histoire des machines à calculer
Association pour un conservatoire de l’informatique et de la télématique
Au-delà de ces références, il existe de très nombreux sites où des collectionneurs passionnés présentent leurs machines, avec très souvent des informations sur l’histoire, sur les mécanismes et des démonstrations.